Les extrémités du temps excèdent notre mémoire et notre attente. La philosophie, avec Platon, les médita : la vérité de l'être, immémoriale, n'est jamais que retrouvée, en traversant l'oubli. Comment penser cet oubli premier et fondateur ? Les analyses modernes de l'oubli, quant à elles, vivent de nier la perte : tout serait inoubliable, et notre intégrité toujours sauve. Pour la pensée chrétienne, tendue entre le Genèse et l'Apocalypse, espérer contre tout espoir et se souvenir de l'origine sont deux actes essentiels de la foi. La mémoire aussi doit mourir pour ressusciter, se purifier par là de toute nostalgie et devenir mémoire de la pro-messe : espérance. Saint Augustin, saint Jean de la Croix nous l'apprennent, après Philon le Juif : l'Autre seul est inoubliable, car seul il est l'inespéré.